Aires
54’
Film couleur, sans dialogues
Image / Montage / Production : François Daireaux
Son : François Daireaux / Suzanne Durand
Support de projection : DCP
Extrait
Matière et mouvement – ces fragments fascinent par le réseau qu’ils tissent en même tant que par leur pureté intrinsèque, ciselée en étude de détail. On croit reconnaître l’Inde ici et là, mais jamais l’insolite ne tourne à la notation exotique. De la tranchée sablonneuse qu’un homme tasse d’un pas-chassé expert à la frondaison qui se reflète dans le minuscule miroir ornant le costume d’une femme, de la patte d’un poulet dépassant d’une étuve au choc rythmique du linge battu sur la pierre, chaque geste semble recueilli dans son étrangeté en même temps que dans la perfection familière que lui imprime une main ou un outil. À la manière d’un Francis Ponge, François Daireaux, par la précision de ses coupes franches et de ses fondus au noir, sculpte dans le réel, polit les objets, les mouvements, les formes, les éléments, et finit par décaper le regard. Des poussins picorent sur un lit, une pluie diluvienne transforme un hangar en tableau abstrait. Sans cesse, l’oeil est aux aguets, occupé à identifier des actions ou des lieux qu’un coup de zoom arrière vient redéfinir. Image récurrente, des foyers allumés dans le sol et recouverts de couvercles s’offrent en métaphore des fragments filmiques eux-mêmes : petits touts vivaces, mystérieux, hypnotiques.
(Charlotte Garson)
Aires est une sculpture qui bouge. Sa forme mouvante est faite de l’entrelacement de morceaux choisis, collectés sur différents continents. En observateur attentif, je me définis comme un passeur, je mets en relation, tisse, une grande diversité d’espaces temps planétaires. De mon point de vue, "le monde est une sculpture qui s’ignore".
Je travaille mon cinéma comme un sculpteur, en ajoutant et en retranchant une matière monde que je vais moi-même extraire. Faire image signifie se frotter au réel. C’est pourquoi, la matière qui constitue Aires a été prélevée par fragments au cours de nombreuses marches dans de multiples lieux et territoires, sans carte ni plan définis à l’avance. Filmer c’est percevoir et c’est par là même entretenir une grande proximité avec le monde. Je souhaite ainsi me perdre et faire l’expérience de l’imprévisibilité et des chemins qui bifurquent. La pensée sauvage ne distingue pas le moment de l’observation et celui de l’interprétation. Pendant six années successives, j’ai choisi de ne pas penser à quelle forme pourrait prendre cet ensemble de fragments. Ça n’est que récemment que j’ai senti se dessiner le fil invisible d’un possible récit. Les différentes parties se sont alors comme magnétiquement assemblées les unes avec les autres et comme par un lent déplacement progressif est advenu un film, un "Tout-Monde".
Aires est une mise en forme du réel qui propose à ceux qui le regardent une perte de repères, une possibilité de questionner et de repenser ce qui fait notre monde.
(François Daireaux)