Exposition Blow Firozabad Bangles, Centre d’art L’Imagerie - Lannion, France, 2012.


404
Inventaire, 404 couleurs de bracelets de verre de Firozabad.

Au sol : Blow Bangles
404 empreintes, verre soufflé.
Aux murs : Million Bangles, Firozabad
37 tirages lambda, 78 x 93 cm chaque.


Eighteen Million Bangles, Firozabad
tirage Lambda, 78 x 93 cm.


Sixteen Million Bangles, Firozabad
tirage Lambda, 78 x 93 cm.


Thirteen Million Bangles, Firozabad
tirage Lambda, 78 x 93 cm.


Au sol : Blow Bangles
404 empreintes, verre soufflé.

Twenty Million Bangles, Firozabad
tirage Lambda, 78 x 93 cm.

Au sol : Blow Bangles
404 empreintes, verre soufflé.
Aux murs : Million Bangles, Firozabad
37 tirages lambda, 78 x 93 cm chaque.


Thirty Million Bangles, Firozabad
tirage Lambda, 78 x 93 cm.



Firozabad
Film couleur, 64 min, sonore, sans dialogue.


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Blow Bangles
404 empreintes, verre soufflé


"Par la refonte d’une tora, François Daireaux inverse l’involution manufacturée des bracelets pour recompacter la matière. Mais si la nouvelle empreinte créée convoque la notion d’absence, de perte de la forme initiale, elle est ici ambiguë : chaque empreinte, sorte de « tiroir à double fond », possède une face visible et une face cachée. Sous l’apparence d’un objet-design, l’empreinte porte en elle la trace de l’événement qui a fait disparaître sa matière première - la fonte d’une tora et le soufflage dans le moule, ficelle comprise - en tant que forme autonome, tout en laissant distinguer les Bangles agglomérés, comme fossilisés dans le nouvel objet, figés dans leur bain.

La fusion d’une production dans une autre, ou plutôt d’une matière dans le cerne d’une autre, la dilapidation de l’énergie dont elle est issue, a quelque chose d’extrêmement violent. D’autant plus violent que les soixante-quatre minutes de film s’évertuent à décliner les étapes, les gestes méticuleux et les nombreuses heures de travail qu’une tora nécessite. C’est dans cette violence que réside la dimension politique du projet. Déjà dans sa vidéo Firozabad, lorsqu’il filme les ouvriers accroupis devant les « meules de la nécessité » [16], leurs outils rudimentaires, ramassant le verre à la main, ou inhalant les fumées de semelles plastiques qu’ils récupèrent et brûlent, François Daireaux montre les conditions de travail pénibles, le décalage entre les conditions de vie d’un ouvrier et le public à destination duquel les objets sont minutieusement manufacturés, au sens premier du terme, « fabriqués à la main ». Mais c’est dans son prolongement sculptural, les 404 empreintes, que François Daireaux pousse encore plus loin sa réflexion politique. Point de message ici mais une mise en tension dans le processus même de création. Pour réaliser cette série, l’artiste est passé par les canaux habituels du commerce, devenant lui-même acteur de la mondialisation (sachant que plus de la moitié de la production verrière de Firozabad part à l’étranger) en achetant aux marchands firozabis autant de toras qu’il existe de nuances de Bangles, dont il remplit un container entier à destination de Meisenthal. Cet artisanat séculaire – local – dont il a sondé les procédés de fabrication des mois durant, devient un objet déterritorialisé, délocalisé en France. François Daireaux rejoue ici le processus d’échange, de migration et de mise en réseau, l’imbrication de l’économique et du culturel propre à la mondialisation. Mondialisation qui est à l’origine même du début de l’industrie verrière à Firozabad, importée par les envahisseurs successifs qui ont exporté en Inde de nombreux objets en verre, notamment recyclés par les firozabis pour la fabrication des bracelets. François Daireaux explore la contradiction ô combien d’actualité entre local et global. Mais ici, il met directement en tension – physique - du local avec du local, en filtrant le savoir-faire d’une ville par le moule d’une autre, pour entrevoir les effets du global : d’un côté le verre d’une industrie locale qui produit en quantité démesurée, prise dans la machine infernale du commerce mondial ; et de l’autre le verre d’une industrie tout aussi locale qui parvient à se maintenir, mais qui renvoie inévitablement à la crise industrielle nationale et aux rares usines verrières encore ouvertes en France qui redoublent d’efforts face à une concurrence mondiale, notamment venue d’Inde.

La réalisation des 404 empreintes relève d’un pur processus de sculpteur, régi par les fondements même de la sculpture, à savoir transformer, altérer une matière (une production entière ici) pour lui donner une forme nouvelle, mais il est ici, et c’est tout l’intérêt de ce travail, rapporté à l’échelle du monde."

Extrait du texte Le monde est une sculpture qui s’ignore par Alexandrine Dhainaut.


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Million Bangles, Firozabad

37 tirages lambda, 78 x 93 cm chaque


Firozabad (extrait)

Film couleur, 64 min, sonore, sans dialogue.


"With Firozabad, François Daireaux visually extends the work in progress of Suite, a non-exhaustive inventory of craft gestures from all over the world started in 2004. Here the artist widens his frame of work from fragments to the bodies in action. Yet Firozabad, a succession of disparate scenes like a “pièce à tiroirs” explores the same theme : the cinematics of labor. In each factory, Daireaux captures the rhythmic, even hypnotic coordination of the bodies, individual movements and the forces inhabiting them. The film is even more choreographic, the ongoing ballet of the workers captivates : the declination of shapes from recycling to liquefaction, from soft reddish substance to the final solid product, in an infinite variety of colors and forms. The life-size framing renders the completeness of the immersion of the artist amidst the workers. He drops the stillness of Suite, changes scale then lets himself be guided by things passing in front of him. Thus the camera slides from one subject to another, from one shape to another, scrutinizing the details, the shapes’ spontaneous outcome, something not so familiar in Daireaux’ practice. Body-camera or body-container, he becomes a go-between, articulating the present forces and forms. Physically experimenting reality is essential to him. The artist stays very close to the glass matter and the workers, filming the bodies and faces in close-up, most of the time facing the camera. The filming is a single movement, grazing the bodies and the outlines of the forms.

The men’s movements and faces are bodily filmed ; the skin’s omnipresence contributes to the sensuality, even sexuality transpiring from the images. François Daireaux multiplies shots of the workers hands maneuvering the blowpipes, the soft and loose forms of the glass, shots of necks, nude torsos, the resting (the film is punctuated with images of lying bodies or slack hands) or even the subtle hip swigs of the workers molding the matter. Thus the artist alternates inside shots of the factories and static shots of the walls around them : where there Hindi ads in white paint promote medicine for sexual aid. Referring to the Marxist theories which consider work and procreation as two modes of the same process of vital fertility, it is more the “preservation of the reproductive function” than the sexuality that is at stake. It is striking to see that, although absent from the Firozabi factories (with a few exceptions), the women’s body haunts the male universe pictured here, with this highly feminine accessory, the bangles.

Life and glass seem to be cast in the same cycle as in Firozabad, x-rays of rib cages hanging outside a street shop are inserted by Daireaux ; they inevitably evoke the structure of the toras and the transparency of glass. One says that in Firozabad, the people are so absorbed with the glass industry that they don’t breath air but glass…"

Extrait du texte Le monde est une sculpture qui s’ignore par Alexandrine Dhainaut.


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Firozabad-Meisenthal, Blow Firozabad Bangles, éditions Lienart, 2013
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Lire le texte d’Alexandrine Dhainaut
LE MONDE EST UNE SCULPTURE QUI S’IGNORE
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Read the text by Alexandrine Dhainaut
The world is a sculpture disregarding itself

Voir la vidéo de l’entretien réalisé au CIAV avec François Daireaux
https://vimeo.com/41484553