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LE MONDE EST UNE SCULPTURE QUI S’IGNORE

Ça commence comme ça chez François Daireaux : une forme, une couleur, un son, accrochent le regard, l’oreille lors de ses nombreuses pérégrinations aux quatre coins du monde, et reviennent ensuite dans un autre contexte, persistent et hantent son esprit. Puis ça continue comme ça : ces formes/couleurs/sons dorment dans les « tiroirs [1] mentaux » de l’artiste, le temps d’une maturation lente, attendant l’heure de leur épiphanie.

Et les projets sont nombreux dans les tiroirs de Daireaux. Tout est potentiellement là, en germe et constamment réactualisé par les nouveaux voyages. Il y a quelques années, ce sont des mystérieuses accumulations de paquets de bracelets en verre colorés aperçues sur les marchés (Bangles markets) à l’occasion de nombreux voyages en Inde qui ont ouvert un nouveau tiroir. C’est en s’interrogeant sur la provenance de ces quantités démesurées de bracelets que l’artiste atterrit à Firozabad, une ville située au Nord du pays. Spécialités locales, les Glass Bangles sont le fer de lance de l’activité verrière à laquelle l’industrie firozabie est presque entièrement dédiée depuis 600 ans. Fabriqués par millions quotidiennement, ils défilent dans un va-et-vient permanent dans les rues de Firozabad, soigneusement rangés en bouquets appelés « toras » [2] et transportés sur des « tilas » [3] . Frappé par les couleurs et les formes déjà sculpturales de ces toras, François Daireaux en ramène quelques-unes dans ses valises et les stocke dans un coin de son atelier et de sa tête pendant plus de trois ans. Jusqu’au jour où le tiroir se rouvre, où le projet Firozabad s’active…

La rumeur de la ville

François Daireaux fait partie de ces artistes dont la pratique de la sculpture passe également par la photographie et la captation vidéo. Au hasard de ses déambulations à travers les villes, l’œil photographique de l’artiste scrute les mises en scène fortuites de rebuts, d’objets, trouvés ou manufacturés. On l’a souvent décrit ainsi, François Daireaux est un flâneur, guidé par une acuité visuelle sans pareille. Pour lui, le monde est une sculpture qui s’ignore. Il trouve donc en ces formes ready-made sur lesquelles il n’intervient jamais, des objets sculpturaux « naturels » qu’il s’agit de révéler. Egalement attentif au son de la vie, la marche devient pour lui « le moyen privilégié pour écouter le monde, y prêter attention, parce que se déplacer est aussi une façon de se mettre à entendre » [4]. A Firozabad, d’abord happé par les toras évoquées plus haut, c’est ensuite toute l’activité verrière et la matière sonore particulièrement riche qui émane des usines et de la ville qui le captivent. Cette matière, il décide de l’exploiter par l’image d’abord, à travers une série de photographies (Million Bangles) et un film (Firozabad). La bande son de ce dernier y est saisissante à plus d’un titre. C’est d’ailleurs le son qui précède l’image dès la séquence d’ouverture du film : une voix transmise par haut-parleur anticipe l’entrée en gare d’un train, tandis que l’écran reste noir. Puis, la saccade des wagons défilant à grande vitesse devant la caméra, laissant apparaître par intermittence le nom de Firozabad, donne le tempo d’un film au diapason d’une ville. Pendant plus d’une heure, on y observe et écoute le cycle du verre, ses acteurs et la vie alentour. Les tessons de bouteilles ramassés à la pelle par les « écumeurs » du verre, le zip du découpage d’un ressort de verre et la cassure délicate des Bangles revenant à la manière d’une ritournelle dans le film, le tac, tac, tac des bracelets alignés sur la tôle métallique, le bruit sourd de la chaleur des fours, la clameur des usines, le tri, le martellement, le polissage… Autant de tâches qui offrent un rythme, une cadence quasi infernale tant au niveau sonore que visuel. La scène de quiétude en présence des singes qui observent une usine vidée de son tumulte habituel est d’autant plus troublante qu’elle offre un des rares moments de répit, contre-point silencieux à la frénésie humaine. Usines en ruines ou en activité, la frontière est parfois mince. Comme cette bascule, vestige ou objet laissé en suspens, et qui, en l’absence d’ouvriers, n’a plus que le vide à balancer. Va-et-vient constant entre intérieur et extérieur des usines, entre plein et vide, Firozabad est un possible écho à la relation remplissage/évidement, caractéristique de la pratique sculpturale de François Daireaux.

Le corps à l’ouvrage

Avec Firozabad, François Daireaux prolonge visuellement le travail réalisé pour Suite, Work in Progress, inventaire non exhaustif de gestes artisanaux du monde entier commencé en 2004. Mais ici, l’artiste sort du fragment pour ouvrir davantage le cadre sur les corps à l’ouvrage. Firozabad, sorte de « pièce à tiroirs » faisant se succéder des scènes disparates, explore néanmoins un même thème : la cinématique du travail. Dans chaque usine, François Daireaux saisit la coordination rythmique, voire hypnotique des corps, des gestes individuels et les forces qui les régissent. Le film n’en ressort que plus chorégraphique et captive par le ballet incessant des ouvriers du verre, les déclinaisons de ses formes, du recyclage à la liquéfaction, de la substance molle rougeoyante au produit fini solide, dans une variété de couleurs et de formes infinie. L’immersion de l’artiste au milieu des ouvriers semble totale tant le cadrage se montre à taille humaine. Il délaisse la fixité de Suite, Work in Progress, change d’échelle, et se laisse guider par tout ce qui se passe sous ses yeux. Ainsi, la caméra glisse d’un sujet à un autre, d’une forme à une autre, scrute les détails, les expressions, le dénouement des formes avec une spontanéité peu coutumière dans la pratique de François Daireaux. Corps-caméra ou corps-réceptacle, il devient médiateur, articulateur des forces et des formes en présence. Faire l’expérience du réel, physiquement, est essentiel pour lui. L’artiste tient d’ailleurs une distance extrêmement rapprochée avec la matière-verre et tout aussi rapprochée avec les ouvriers, dont il filme en gros plan les corps et les visages, le plus souvent le regard face-caméra [5]. Dans un même mouvement, filmer revient ici à effleurer constamment les corps et l’affleurement de la forme.

Les hommes, leurs gestes et leurs visages comme filmés « à bras-le-corps », et l’omniprésence de la peau participent de la sensualité, voire de la sexualité, qui émanent des images. François Daireaux multiplie les cadrages sur les mains ouvrières manipulant les cannes de souffleur, les formes molles et débandantes [6] du verre, les plans sur les nuques, les torses nus, les assoupissements (le film est entrecoupé d’images de corps étendus ou de mains lâches) ou encore les légers balancements de hanches des ouvriers en plein travail de la matière. Ce n’est pas anodin non plus si l’artiste, dans un montage parallèle, alterne images tournées au cœur des usines et plans fixes sur les murs aux abords de celles-ci : à la peinture blanche y sont inscrits des messages publicitaires en hindi promouvant la prise de médicaments à des fins sexuelles. Non sans rappeler les théories marxistes concevant travail et procréation comme les deux modes d’un même processus de fertilité vitale, ce n’est pas tant la sexualité qui est en jeu ici que la « préservation de la fonction reproductive » [7]. Il est aussi frappant de voir que le corps de la femme, bien qu’absent des usines firozabies (à quelques exceptions près [8]), hante pourtant l’univers masculin dépeint ici, à travers l’objet éminemment féminin que sont les Bangles [9].

Vie et verre semblent pris dans un même cycle à Firozabad, ce que viennent souligner les radiographies des cages thoraciques suspendues devant une échoppe (évoquant inévitablement la structure des toras et la transparence du verre) dont François Daireaux insert quelques plans. On dit qu’à Firozabad, les gens sont si absorbés par le verre qu’ils ne respirent pas l’air, mais le verre…

L’infini pour horizon

Firozabad est un film global mettant en lumière plusieurs branches ouvrières d’une ville (les objets soufflés, les Bangles, les perles longilignes, les briqueteries, etc.) comme autant de développements plastiques possibles, de tiroirs potentiels à activer. C’est une de ses branches - la production des Bangles - qui a motivé la série d’empreintes, pendant sculptural au film et à la série de photographies présentés pour la première fois à l’Imagerie de Lannion. Réalisées lors de la résidence de François Daireaux au Centre international d’art verrier de Meisenthal en Moselle, les empreintes ne dérogent pas à la règle de la série « sans fin », caractéristique de son travail. « Un est le premier chiffre du nombre qui ne se termine jamais », pourrait être la maxime de François Daireaux. 785 buveurs dans Mnogo, 142 Suites réalisées à ce jour (et qui verront leur nombre certainement augmenter au fur et à mesure de ses pérégrinations), 38 bustes de P. Chellappandans l’œuvre éponyme, 203 Skizzes… Aujourd’hui 404 empreintes, correspondant aux 404 sortes de Bangles fabriqués dans les usines firozabies que François Daireaux, avec l’exhaustivité d’un entomologiste qui veut répertorier toutes les variations d’une même espèce, a relevées et classifiées, et dont les échantillons ont été numérotés et précieusement rangés par couleur dans ses archives.

Semblant avoir l’infini pour horizon, l’artiste travaille par prolifération et déclinaison des formes. Le moulage, technique qui induit déjà le nombre et la multiplication, est un de ses moyens privilégiés, et la variation son mode de prédilection. Quel heureux hasard alors de découvrir, dans les entrepôts du CIAV de Meisenthal, une « moulothèque », collection de plus de 2500 moules de toutes époques, servant à souffler à la bouche toutes sortes d’objets en verre depuis des siècles, et sauvés après la fermeture des différentes verreries de la région Lorraine. Après moult expériences d’hybridation et les multiples échecs de greffe entre les deux verres issus des deux cultures, François Daireaux opte pour la refonte de chaque tora de Firozabad dans des moules uniques de Meisenthal. L’installation des 404 empreintes qui en résulte, Blow Bangles, explore l’infime variation entre un même bleu, un même rouge, un même vert, etc. « Plus la différence est fine, indiscernable, plus s’éveille et s’aiguise le sens du Divers. Rouge et vert ? Que non pas ! Rouge et rougeâtre, puis rouge et rouge avec un divisionnisme sans limite. » [10] écrivait Victor Segalen dans son Essai sur l’exotisme. À l’image du verre lui-même, matière fluide capable de passer éternellement d’un état à un autre, l’artiste souligne les potentialités de la matière, les possibilités de variations à l’infini d’un objet et même d’une œuvre.

Pour son exposition Blow Firozabad Bangles à la galerie L’Imagerie de Lannion [11], François Daireaux a déployé les 404 empreintes à même le sol des deux premiers espaces d’exposition, sans hiérarchie de taille, de forme, ou de couleurs. Par leur disposition et la fragilité même du matériau, l’installation formait un paysage vulnérable. Il soumettait le visiteur à une progression lente et précautionneuse pour ne pas percuter les empreintes, qui représentaient autant d’obstacles à sa circulation et à sa vision des photographies Million Bangles [12]épinglées aux murs tels des posters. En résonance au film Firozabad, François Daireaux opère dans cette série d’images un va-et-vient constant entre le dedans et le dehors, en photographiant l’intérieur des usines et le paysage alentour.
Le parcours du visiteur à travers les empreintes le menait ensuite jusqu’à une salle noire où Firozabad était projeté. L’entrée en matière se doublait alors d’une entrée en cinéma. C’est d’ailleurs ce lien avec le cinéma que François Daireaux interroge dans Blow Bangles Production, nouvelle installation du projet pour le centre d’art la Maréchalerie de Versailles. L’artiste traduit le caractère polysémique du mot « production », faisant à la fois référence à l’industrie, au monde de l’art et à la société du spectacle. Par l’utilisation d’un puissant projecteur à découpe qui décrit au sol un cercle lumineux dans lequel les 404 empreintes sont enfermées, l’installation Blow Bangles Production prend des allures de plateau de cinéma. Le visiteur devient alors spectateur d’une production qui semble elle devenue presque image. Diffusée dans le premier espace d’exposition, la bande son du film Firozabad entre tout d’abord en résonance avec les empreintes de verre, avant que le visiteur ne découvre les images du film projeté dans le second espace. Si le dispositif de Lannion était davantage centrifuge, en rapport au paysage, l’installation à Versailles montre un caractère centripète par la concentration des 404 empreintes, mais aussi par l’installation Power, empilements de toras de bangles noirs qui viennent cerner le lieu, murer les accès et ouvertures habituelles de la façade de la Maréchalerie. Si le noir est la somme de toutes les couleurs [13], il est pour les firozabies la couleur du pouvoir, une symbolique qui prend alors tout son sens à Versailles.

Tout le travail de François Daireaux est sous-tendu par la question du temps et l’impermanence des choses, dans le recyclage même de ses propres pièces ou dans le choix de matériaux fragiles. Déjà son installation Vert de terre (2000) explorait un matériau friable et lumino-sensible - de la mousse florale -, voué à une instabilité certaine. Plus tard, la série Grisaille (2001-2003) devint le support altéré d’une autre installation, Entrée (2004). L’impermanence des choses, c’est le fluctuant, le passage, la transformation, l’imperceptible changement ou la disparition des choses. La refonte d’une tora firozabie dans un moule lorrain relève de l’incarnation ou de la réincarnation. Le terme prend ici un sens tout particulier en regard de la provenance des toras et si l’on considère la doctrine bouddhiste de la métensomatose [14], selon laquelle le corps se réincarnerait dans un autre corps. Physique et non psychique [15], cette forme de réincarnation transmettrait au nouveau corps des éléments de l’ancien. Se pose alors la question de la mémoire, notion récurrente dans le travail de l’artiste, mais surtout ici de la tension entre passé et présent de la forme.

Du local au global

Par la refonte d’une tora, François Daireaux inverse l’involution manufacturée des bracelets pour recompacter la matière. Mais si la nouvelle empreinte créée convoque la notion d’absence, de perte de la forme initiale, elle est ici ambiguë : chaque empreinte, sorte de « tiroir à double fond », possède une face visible et une face cachée. Sous l’apparence d’un objet-design, l’empreinte porte en elle la trace de l’événement qui a fait disparaître sa matière première - la fonte d’une tora et le soufflage dans le moule, ficelle comprise - en tant que forme autonome, tout en laissant distinguer les Bangles agglomérés, comme fossilisés dans le nouvel objet, figés dans leur bain.

La fusion d’une production dans une autre, ou plutôt d’une matière dans le cerne d’une autre, la dilapidation de l’énergie dont elle est issue, a quelque chose d’extrêmement violent. D’autant plus violent que les soixante-quatre minutes de film s’évertuent à décliner les étapes, les gestes méticuleux et les nombreuses heures de travail qu’une tora nécessite. C’est dans cette violence que réside la dimension politique du projet. Déjà dans sa vidéo Firozabad, lorsqu’il filme les ouvriers accroupis devant les « meules de la nécessité » [16], leurs outils rudimentaires, ramassant le verre à la main, ou inhalant les fumées de semelles plastiques qu’ils récupèrent et brûlent, François Daireaux montre les conditions de travail pénibles, le décalage entre les conditions de vie d’un ouvrier et le public à destination duquel les objets sont minutieusement manufacturés, au sens premier du terme, « fabriqués à la main ». Mais c’est dans son prolongement sculptural, les 404 empreintes, que François Daireaux pousse encore plus loin sa réflexion politique. Point de message ici mais une mise en tension dans le processus même de création. Pour réaliser cette série, l’artiste est passé par les canaux habituels du commerce, devenant lui-même acteur de la mondialisation (sachant que plus de la moitié de la production verrière de Firozabad part à l’étranger) en achetant aux marchands firozabis autant de toras qu’il existe de nuances de Bangles, dont il remplit un container entier à destination de Meisenthal. Cet artisanat séculaire – local – dont il a sondé les procédés de fabrication des mois durant, devient un objet déterritorialisé, délocalisé en France. François Daireaux rejoue ici le processus d’échange, de migration et de mise en réseau, l’imbrication de l’économique et du culturel propre à la mondialisation. Mondialisation qui est à l’origine même du début de l’industrie verrière à Firozabad, importée par les envahisseurs successifs qui ont exporté en Inde de nombreux objets en verre, notamment recyclés par les firozabis pour la fabrication des bracelets. François Daireaux explore la contradiction ô combien d’actualité entre local et global. Mais ici, il met directement en tension – physique - du local avec du local, en filtrant le savoir-faire d’une ville par le moule d’une autre, pour entrevoir les effets du global : d’un côté le verre d’une industrie locale qui produit en quantité démesurée, prise dans la machine infernale du commerce mondial ; et de l’autre le verre d’une industrie tout aussi locale qui parvient à se maintenir, mais qui renvoie inévitablement à la crise industrielle nationale et aux rares usines verrières encore ouvertes en France qui redoublent d’efforts face à une concurrence mondiale, notamment venue d’Inde.

La réalisation des 404 empreintes relève d’un pur processus de sculpteur, régi par les fondements même de la sculpture, à savoir transformer, altérer une matière (une production entière ici) pour lui donner une forme nouvelle, mais il est ici, et c’est tout l’intérêt de ce travail, rapporté à l’échelle du monde.

Projet à tiroirs multiples

« Blow Firozabad Bangles », projet à tiroirs multiples, est à regarder à la loupe. Non seulement parce qu’il s’avère extrêmement dense et complexe dans les nombreuses notions abordées ou dans ses différents développements plastiques (photographique, filmique et sculptural), mais aussi parce que, sous son aspect séduisant (le caractère hypnotique du ballet chromatique et cinématique du film, ou la beauté des 404 empreintes étalant dans l’espace leurs couleurs, formes et brillances à l’infini), se cache une réflexion politique sur le monde et les effets de la mondialisation. A la loupe également, parce qu’il porte en lui toutes les composantes des précédentes œuvres de François Daireaux - le fond permanent de ses tiroirs en quelque sorte -, et en même temps dévoile sans doute déjà les travaux à venir. Les longues tiges de verre couleur or, semblables à des fétus de paille, pourraient être un indice...

Alexandrine Dhainaut, nov 2012

Texte écrit à l’occasion des deux expositions, Blow Firozabad Bangles à la Galerie L’Imagerie, Lannion, du 31 mars au 16 juin 2012 et Blow Bangles Production au centre d’art La Maréchalerie à Versailles, du 23 janvier au 30 mars 2013.
Texte publié dans Firozabad Meisenthal - Blow Bangles Production, livre d’artiste aux éditions Lienart.

Notes

[1] Lors d’une discussion avec l’artiste, il évoquait la genèse d’une œuvre, qui procède toujours d’une infusion lente, d’où la figure du tiroir, fil conducteur de ce texte, renfermant les projets en attente d’être activés.

[2] Traduction phonétique du terme hindi désignant les bouquets de bracelets.

[3] Traduction phonétique du terme hindi désignant les charrettes spécifiques sur lesquelles les toras sont transportées.

[4] Thierry Davila, Marcher, créer, Ed. du regard, Paris, 2002, p. 16.

[5] L’utilisation du close-up est assez rare dans la pratique de François Daireaux pour être soulignée. Elle ne trouve de précédent que dans la vidéo P. Chellappan, montrant le visage impassible d’un homme, modèle de l’école d’art de Trivandrum, que François Daireaux a filmé en plan fixe vingt-cinq minutes durant. Le cadrage en gros plan reproduit celui des bustes réalisés par des étudiants et jetés au rebut, que l’artiste a remoulés dans l’installation qui accompagne la vidéo.

[6] En référence à la « débandade » de la sculpture dont parle Maurice Fréchuret in Le Mou et ses formes, une nouvelle histoire de la sculpture, Ed. Jacqueline Chambon, Paris, 2004. Fréchuret s’intéresse ici à un art qui n’édifie plus mais laisse tomber, pendre ou couler.

[7] Suneet Chopra, critique d’art indien, anthropologue, fin connaisseur du milieu ouvrier et ami de François Daireaux a traduit et analyser pour lui le contenu de ces messages.

[8] Les quelques femmes employées dans les usines firozabies sont reléguées à des tâches subalternes, comme le balayage ou le tri des débris de verre à la main.

[9] Accessoire de la majorité des femmes indiennes et régi par un code-couleur, le Bangle identifie le statut marital de la femme (fiancée, mariée, veuve).

[10] Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, une esthétique du divers. Ed. Fata Morgana, p. 60-61.

[11] « Blow Firozabad Bangles », Galerie L’Imagerie, Lannion, du 31 mars au 16 juin 2012.

[12] Million bangles, Firozabad, 2012. 43 tirages lambda, 78 x 93 cm chaque.

[13] Le film de François Daireaux s’attarde sur les bracelets noirs, qui sont le fruit de tous les reliquats colorés une fois refondus. Rares sont les pièces de François Daireaux qui travaillent le noir, les couleurs étant majoritaires dans son corpus d’œuvres. Le projet mené à Firozabad représente d’ailleurs le plus bel exemple par l’inventaire chromatique exhaustif qu’il y a réalisé.

[14] La différence entre métensomatose et métempsychose distingue les doctrines bouddhiste et hindouiste. L’hindouisme croit en la métempsychose, transmigration d’une âme d’un corps à un autre (humain, animal ou végétal), tandis que le bouddhiste croit au passage d’un corps dans un autre.

[15] À la différence de la métempsychose.

[16] Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Ed. Calmann-Lévy, Paris, p. 155.